Mon chez-moi imaginaire

Au lycée, j’ai été interne. Nous avions chacune une petite chambre, 3m² au plus : un couloir avec un renfoncement sur la droite pour le lit, puis un placard à vêtements, et dans le fond, un bureau sous la fenêtre. Pas un mauvais environnement, non, juste un peu petit, et pas très intime, puisque les surveillantes pouvaient à chaque instant entrer.

Je rêvais d’autre chose.

À peu près à la même période, je jouais à Baldur’s Gate 2. Il y est fait mentions de plans deux fois : une prison planaire, et une sphère planaire. Un plan, ou plan d’existence, en gros, c’est un espace délimité, un monde, parallèle à d’autres (voir la cosmologie de Donjons et Dragons). Dans BG2, la sphère, c’était un vaisseau permettant de voyager entre les plans, qui est légué au personnage à la fin de la quête.

Et j’ai commencé à imaginer que je possédais un plan. Un chez-moi interdimensionnel, accessible depuis le seuil de ma chambre d’internat.

C’était un joli endroit, très vert, une prairie vallonnée, à l’herbe moelleuse et assez haute, entouré de collines, avec au loin, des montagnes bleuies par la distance. Et un ciel d’azur.

Si cette description vous fait penser aux collines verdoyantes du papier peint par défaut de Windows XP, sachez qu’avec le recul, moi aussi, mais mon rêve précède XP de 2 ou 3 ans :D

Ça ressemblait un peu à ça. Peut-être un peu moins nuageux.
Ça ressemblait un peu à ça. Peut-être un peu moins nuageux.

Il y avait une chaise, un bureau, posés dans l’herbe grasse, et un ordinateur, bien entendu. Parfois le mobilier et les objets venaient à moi lorsqu’ils étaient appelés.

Puis j’ai commencé à imaginer une histoire, des histoires, autour de ça : comment avais-je obtenu le plan, par exemple. Je l’avais acheté (à un gars un peu louche), j’en avais hérité. Et puis ça devait être un secret, évidemment. Pas question qu’une surveillante découvre l’existence de mon domaine. Il y a eu aussi des gens venus de derrière les montagnes, alors que j’avais acheté ce plan pour être seule. Alors, on s’associait avec la jeune femme qui découvrait, elle aussi, qu’il y avait quelqu’un d’autre sur son plan – le même que le mien, donc. Parce qu’on s’était faites arnaquer par ce gars un peu louche, on aurait dû se méfier, ça coûte cher un plan, pourquoi est-ce qu’il était si bon marché ? Y avait-il d’autres failles sur cette dimension, que nous connaissions pas ?

Aucune de ces histoires n’a été bien loin. Ce qui était développé, c’était le cadre, la géographie (et encore, à part « c’est vert et le monde est à ma disposition », ça n’allait pas loin).

Pourquoi je repense à ça maintenant ? Parce que je joue à Divinity: Original Sin. Un excellent jeu vidéo, que je parcours en coopération avec mon Amoureux, un monde gigantesque avec des milliers de quêtes, et un univers qui fonctionne vraiment bien. Les personnages découvrent – sans trop spoiler – qu’ils viennent de plus loin que ce qu’ils pensaient, et accèdent à une résidence à la Fin des temps. Une maison immense, pleine de colonnades en marbre un peu abîmé, de grandes bibliothèques, des jardins, des tables couvertes de nourriture, des tapisseries, des sculptures, et les fenêtres donnent sur l’espace, vaste champ d’étoiles. On aperçoit des nébuleuses et des galaxies.

Le domaine, dans Divinity: Original Sin (2)
Le domaine, dans Divinity: Original Sin (3)

Et à chaque fois que nous allons à la Fin des Temps, je suis prise d’une incommensurable nostalgie. De ce chez-moi imaginaire que je n’ai jamais eu mais dont je rêve encore.